André Derain 1904 – 1914. La décennie radicale

André Derain : il est possible que ce nom ne vous dise rien et pourtant son oeuvre est riche et surprenante. Le Centre Pompidou à Paris la met en lumière dans une exposition monographique, concentrée sur la période 1904-1914, à découvrir jusqu’au 28 janvier 2018.

André Derain (1880-1954) est un peintre aux multiples facettes, présent lors des nouvelles expérimentations picturales du début du XXe siècle : fauvisme, pointillisme ou encore cubisme ont été traités tour à tour par l’artiste. Contemporain de grands peintres comme Matisse, Cézanne ou encore Picasso, il s’investit à leurs côtés à une époque de changement radical avec le XIXe siècle, qui marque les débuts de la peinture moderne.

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André Derain, Arbre, paysage au bord d’une rivière, 1905

Le parcours débute avec une introduction aux œuvres de jeunesse du peintre, plutôt réalistes. C’est ensuite qu’un changement s’opère : aux côtés de son ami Maurice Vlaminck, Derain  s’essaye au fauvisme, dont le nom n’est même pas encore cité, en peignant des paysages à Chatou (Yvelines), sa ville natale. Bords de Seine et vie moderne sont représentés, mais les teintes restent assez sombres dans l’ensemble.

Il faut attendre le séjour de Derain à Collioure, en 1905, pour que la couleur jaillisse : orange, rouge, bleu, jaune cohabitent et rappellent les teintes vives des paysages méditerranéens.

 

> Bateaux dans le port de Collioure, 1905 / Vue de Collioure (Collioure, le village et la mer), 1905

Il rencontre en même temps Matisse, qui l’inspire sans doute pour ses figures féminines  sinueuses aux courbes généreuses. La Danse représente ainsi des femmes nues ou dévêtues qui évoluent dans une jungle luxuriante peuplée d’animaux colorés.

 

> Derain, La Danse, 1906 / Matisse, Bonheur de vivre, 1905-06

Bien qu’il n’ait jamais réellement voyagé, Derain est également sensible à des influences asiatiques, océaniennes et africaines, qu’il découvre au musée Guimet et au British Museum. Certaines œuvres océaniennes et africaines de sa propre collection sont d’ailleurs présentées dans l’exposition, pour notre plus grand plaisir ! Elles lui permettent d’appréhender d’autres matériaux comme le bois avec la xylogravure ou la pierre avec des sculptures étonnantes.

 

> Femme nue de face, tête penchée, vers 1906, gravure sur bois / Nu debout, 1907

Toutefois, l’aspect le plus marquant de l’exposition est sans doute sa recherche picturale, inspirée par les artistes les plus novateurs de son temps comme Picasso, Braque ou encore Cézanne, mort en 1906.

 

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Ainsi, il serait facile de détailler les influences multiples qui façonnent le travail de Derain mais l’exposition s’en abstient, préférant un seul texte explicatif par salle aux cartels interminables. Au contraire, l’attention se porte sur des œuvres parfois si différentes qu’on se demande si elles ont été réalisées par la main d’un seul artiste.

Il est donc difficile d’appréhender l’œuvre d’André Derain tant celle ci semble diversifiée et pleine de références. Fort heureusement la scénographie choisie par le musée offre une vision claire et bien pensée de son art.

Dès les premières salles, le parcours se veut chronologique : l’exposition revient sur les grandes périodes de Derain au cours de la décennie 1904-1914 et autant le dire, il a véritablement touché à tout ! André Derain n’est pas un simple peintre : sculpture, gravure, dessin, céramique et même photographie, tout est sujet à l’expérimentation.

Le Centre Pompidou sait mettre à profit ses espaces d’exposition : de belles salles aux murs d’un blanc éclatant rehaussent l’éclat des toiles et leurs couleurs lumineuses. Quant aux objets exposés, issus des archives personnelles de l’artiste, ils sont placés judicieusement pour évoquer les diverses sources d’inspiration qui marquent son œuvre. De la statue africaine à l’image d’Épinal, une salle vous présente les xylographies (gravures sur bois) et sculptures en pierre que Derain réalise. Un choix de présentation épuré qui est donc bienvenu. Pour les amateurs de dates, n’oubliez pas la biographie du peintre présentée à l’extérieur de l’exposition (dans le couloir vitré où vous pouvez aussi contempler la superbe vue sur le Marais!).

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Autre détail amusant : les explications données pour chaque phase artistique. Ces commentaires sont certes bien construits pour évoquer le contexte de création des œuvres. Mais dans certains cas, ils tendent vers le sublime quant à l’incompréhension qui vous saisit après lecture. Et je cite : « Derain décline une série de baigneuses qui scande une évolution rapide, depuis un primitivisme inspiré de Gauguin et de l’art africain vers un néo-byzantinisme cézannien… » Alors autant l’influence du primitivisme et de l’art africain, cela est évident. Cézanne encore plus lorsque l’on contemple les baigneuses de Derain, mais le terme néo-byzantinisme … Un bel usage de mots compliqués pour ne rien dire, qui saura impressionner vos amis lors de votre prochaine soirée mondaine !

Ainsi, le pari de l’exposition semble réussi puisque l’on découvre de nombreux aspects de l’œuvre de Derain, finalement peu connu du public et peu étudié en histoire de l’art. Les amateurs de peinture moderne ne seront pas déçus !

Sarah Mascher et Eloïse Coudeville.

Infos pratiques 

Crédits photo : Centre Pompidou. Couverture : André Derain, Les Montagnes à Collioure, juillet 1905
Dessin : Sarah Mascher

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