Le Petit Palais nous emmène à Londres pendant encore quelques semaines pour y admirer les toiles des peintres français de l’après 1870, réalisées dans la capitale anglaise. Car c’est bien dans le contexte de la guerre franco-prussienne que nombre de français quittent Paris au début de la décennie 1870, soit pour fuir la Commune, soit parce qu’ils l’ont soutenu. Certains ne pourront d’ailleurs rentrer qu’après l’amnistie de 1880. C’est par l’évocation de cette période historique que démarre l’exposition du Petit Palais, à travers une frise chronologique comparant les évènements de Paris et l’activité des artistes français à Londres. Cette approche historique jalonne l’exposition et permet de se plonger dans le quotidien de ces artistes !
Paris en guerre : les raisons de l’exil
La salle suivante dresse un panorama du Paris en guerre à travers plusieurs tableaux. On se souvient des nombreuses nouvelles de Maupassant qui prennent pour cadre les désastres engendrés par le conflit franco-prussien, telles que Boule de suif. Certains peintres expriment leur désarroi dans ce moment dramatique, tel que Camille Corot dans Rêve : Paris incendié : un Paris en ruines, suggérées par de larges coups de pinceaux aux couleurs sombres, sur lesquelles s’élèvent intacte une figure féminine dans un ciel apaisé, symbolisant la France. Ce tableau émouvant est le souvenir d’un cauchemar que fait l’artiste, et il le conserve dans son atelier jusqu’à sa mort.
Les ruines, réelles, sont évoquées dans l’exposition par la destruction du palais des Tuileries par la Commune lors de la « semaine sanglante ». Les ruines de l’ancien palais perdurent dans le paysage parisien, pendant plus de 10 ans, comme l’évoque le tableau de Sieb Johannes Ten Cate, où elles apparaissent en arrière-plan.
A cette évocation historique succède les tableaux réalisés durant l’exil à Londres. En effet, la capitale anglaise constituait un nouveau marché à conquérir par suite des évènements parisiens. Gustave Doré fait partie de ces artistes qui partent à la recherche d’une clientèle anglaise. Il réalise durant son séjour de nombreux croquis pour former un album intitulé London : a Pilgrimage. La comparaison entre dessin (à gauche) et estampe (à droite) de l’une de ces compositions met en valeur le travail du peintre sur la lumière, et les attitudes variées des dockers. La verticalité renforce l’impression de fourmillement de la rue et met en valeur les silhouettes dangereusement arc-boutées au-dessus du vide.
Londres : ville impressionniste
Viennent enfin les premiers tableaux peints à Londres par les futurs impressionnistes, qui purent notamment bénéficier de l’appui du marchand Paul Durand-Ruel. C’est une autre vision de Londres qui s’exprime alors dans leurs paysages, une vision souvent plus paisible, tels que dans Hyde Park de Claude Monet. Le peintre semble s’être placé sur une colline pour mieux apprécier la vue dégagée qu’offre la disposition du parc. C’est aussi le brouillard londonien qui semble avoir intéressé Monet et Daubigny. Tous deux représentent des scènes aux bords de la Tamise, avec à l’arrière-plan les pâles silhouettes des monuments masqués par ce brouillard.
Cependant, Monet réalise peu de toiles durant son premier séjour, en 1871, et c’est 30 ans plus tard qu’il réalise sa série de tableaux du Parlement de Londres. Le peintre s’intéresse aux effets lumineux du ciel reflétés dans la Tamise, qu’il fait varier selon les différentes heures du jour. Une salle est consacrée à cette série qui n’est pas sans évoquer, tant par la quantité des tableaux réalisés que par les teintes utilisées, à la série des cathédrales de Rouen.
Autres regards
A Londres, les impressionnistes entrent aussi en contact avec des peintres dont les aspirations picturales peuvent trouver un écho dans leur propre peinture. Les effets de brouillard fascinent également le peintre américain James Abott Whistler dans ses Nocturnes, série réalisée dans les mêmes années que l’exil des peintres français. Mais ici le peintre utilise de larges coups de pinceau plats et horizontaux dans de subtils tonalités de bleu, avec un minimalisme qui frôle l’abstraction.
Il faut également évoquer Giuseppe de Nittis, peintre d’origine italienne, qui s’installe à Paris trois ans avant la Commune et s’exile aussi à Londres. Plus intéressé par la représentation humaine, certaines toiles évoquent de façon remarquable l’atmosphère londonienne telles que Westminster, qui avait déjà été présentée lors de l’exposition Giuseppe de Nittis, la modernité élégante en 2011 dans le même musée. On y admire la représentation de la fumée au ciel brumeux, qui n’est pas sans évoquer Monet et Daubigny.
L’exposition met l’accent dans son titre sur les impressionnistes, mais elle est aussi l’occasion de mettre en valeur les œuvres d’autres artistes réalisées à Londres à cette même époque. Jean-Baptiste Carpeaux réussit par exemple à vendre à un collectionneur anglais sa sculpture de Flore, adaptée du relief qu’il réalise pour le pavillon éponyme du Louvre. Si certains artistes ne viennent à Londres que pour de courts séjours, certains s’y installent de façon plus pérenne, tels que James Tissot qui y dépeint les mœurs des londoniens aisés, parfois avec un certain humour.
Prévoyez une bonne heure et demi pour prendre le temps de visiter cette exposition riche en œuvres et en contenus !
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